vendredi 10 janvier 2014

Parole d'arbre...

Lire au pied d'un arbre, c'est écouter les nymphes de l'écorce et des feuilles. Un enfant le sait bien.

Se repérer sans boussole ni carte ni GPS, c'est tout à fait possible. Il suffit d'écouter les secrets des arbres , de lire la mémoire des pierres et d'entendre la voix de la nature.

Jadis les boys-scouts apprenaient à s'orienter en forêt à l'aide d'un truc soi-disant infaillible : observer le tronc des arbres. Sous le couvert du feuillage, il est vrai qu'on ne voit pas le ciel. S'orienter avec les ombres ou la position du soleil devient une gageure. Reste le coup de la mousse. En principe, la mousse est censée pousser sur la face nord des troncs. En réalité, c'est bidon. La mousse pousse où c'est le plus humide, nord ou pas. Les arbres ont une tout autre utilité.

Sioux Lakotas devant une sweatlodgePour s'orienter, les Sioux Lakotas ont une technique plus sûre et plus pratique que la mousse sur les arbres.


Je l'ai apprise en pratiquant le rituel de la hutte de sudation ou sweatlodge. Avant d'entrer dans la hutte, les participants se tournent vers chacun des quatre points cardinaux, pour invoquer les esprits des ancêtres et les animaux tutélaires. Chaque point cardinal a sa personnalité et ses symboles différents des trois autres. C'est ainsi qu'on éduque son corps à sentir le nord, l'est, le sud et l'ouest.

Cette perception subtile se travaille en s'aidant d'une boussole, dans un espace dégagé, à la campagne. On s'oriente vers chaque point cardinal, on s'intériorise, on étalonne ses perceptions. A chaque point correspond un ressenti différent. Avec un peu de pratique, le guerrier sait s'orienter sans boussole et se diriger à coup sûr. Il a éduqué son corps, retrouvé un de ses pouvoirs perdus. A l'heure du GPS, objectera-t-on, tout cet apprentissage représente un effort bien inutile !

Mais sait-on toujours dans quel but on s'entraîne ?

La hutte 

sans couverture.La hutte de sudation se présente comme une tente circulaire composée d'un bâti de branches de saules recouvert de fourrures ou de couvertures. Sur un grand feu voisin, on fait chauffer à blanc des pierres, volcaniques de préférence. Quand elles sont chaudes, on les glisse sous la hutte, on les asperge d'eau pour qu'elles dégagent une épaisse vapeur bouillante qui redescend sur les épaules nues des participants. Par le biais de cette morsure, les guerriers se relient au cosmos.


Cuits à point, ils sortent de la sweatlodge pour ne plus y rentrerIls sortent de leur corps et se promènent à leur gré dans l'immensité sans limite. Mais il y en a d'autres qui sortent carrément de la hutte : leur corps n'a pas pu supporter la brûlure de la vapeur, et l'ouverture absolue qu'elle entraîne. Après la hutte, la douleur s'évapore avec l'eau, il ne reste que les souvenirs du voyage. Alors vient le tour de parole : l'un après l'autre, chaque participant met ses mots sur ce qu'il vient de vivre. Et la hutte est finie. La pratique de la hutte est un rude exercice.

Mais le rituel marche ! Mieux que ça : il est vertigineux, jubilatoire. Un des plus sûrs moyens de passer dans la lumière blanche du monde de l'énergie, par-delà l'émotionnel. Au cours de son initiation, le guerrier est amené à parler à des arbres. Il apprend comment entrer en contact avec eux, selon leur âge, leur essence et leur rôle social. Dans la société arboricole, chaque sujet a une fonction, comme les abeilles de la ruche. Il y a des arbres guerriers, des arbres guérisseurs et des arbres gardiens. Il y a des arbres connaissants, des arbres voyants et des arbres devins. Sachez qu'ils nous entendent, et nous répondent, si nous prenons le temps d'une véritable rencontre.

Attention à la puissance 

énergétique de certains pachydermes. Trop fort pour toi.

Les arbres ne manifestent jamais la moindre agressivité. Mais n'abusez pas de la transmission de conscience à conscience avec les pachydermes végétaux : certains arbres-chamanes, chênes ou hêtres pluri-centenaires, peuvent épuiser l'imprudent qui reste trop longtemps au pied de l'un d'eux. Qui veut parler avec les arbres doit d'abord devenir leur ami. Apprendre à reconnaître les essences. Préférer les chênes, les hêtres et les chataîgners : ce sont les plus loquaces.

Rencontre émouvanteEviter les jeunes arbres, ils manquent de pratique. Repérer l'arbre à sa prestance : les gardiens et les guerriers sont les plus intéressants. Enserrer le tronc dans ses bras. Formuler doucement les questions dans sa tête "Combien d'hivers as-tu passé ?" C'est l'hiver que l'arbre grandit, en partant du coeur, une strie de plus dans l'aubier.  "Quel est ton rôle ? Où sont tes alliés, ta famille ? As-tu des rejetons dans les environs ?" En te parlant de lui, l'arbre t'en apprend beaucoup sur toi. Le meilleur enseignant est l'arbre qui te connaît.

Celui qui pousse devant ton nez, tu n'y prends même pas garde, un arbre ! Celui qui tous les jours te regarde passer, trop pressé, cassé. Savoir cesser. Humer, danser, s'attarder : l 'arbre a tout son temps. Faire quelques pas sous son ombrage, tourner autour du pot, nez aux branches, écouter les oiseaux qu'il abrite, scruter les plaies de son écorce. Quand l'arbre est ton ami, saule, if ou hêtre, l'essence n'a plus d'importance, ni qu'il soit gardien ou poète, ni l'hiver qui l'a vu naître. 

Chansons de Bilitis, poèmes de Pierre LouÿsComme tous les êtres vivants, l'arbre est un être qui sent, qui suit, qui sait. L'arbre s'apprivoise par la patience et la perméabilité. Il apprend à te reconnaître si tu reconnais son âme. Ouvre-toi à lui, il s'ouvrira à toi. Alors ses enseignements t'ouvriront des pistes merveilleuses. Médite à son pied, honore-le en adoptant son attitude intérieure, toute de patience et d'immobilité. N'attends pas de lui le récit de hauts faits du passé, comme peuvent le faire les pierres.

Les arbres n'ont pas d'agressivité. Ils sont pacifiques, mais pas passifs. Immobiles, mais actifs, ils font circuler des énergies qui sans eux nous feraient gravement défaut.

Ecoute-le, il te parlera

Aucun commentaire:

Publier un commentaire