samedi 29 septembre 2012

Les prédateurs marins et plantes vivaces font cap au Nord en raison du réchauffement climatique



L'Administration Nationale Américaine pour les océans et l'atmosphère (National Oceanic and Atmospheric Administration - NOAA) vient de livrer les résultats d'une étude  concernant l'impact du réchauffement climatique sur les prédateurs marins supérieurs dans l'Océan Pacifique Nord.



Ces résultats ont été publiés dans un article intitulé "Predicted habitat shifts of Pacific top predators in a changing climate", dans la revue Nature Climate Change. L'étude a été menée par une équipe de onze scientifiques américains et canadiens, dirigée par Elliott Hazen. Les résultats montrent que le réchauffement climatique devrait conduire à des modifications importantes dans la répartition géographique des espèces d'ici 2100. Pour certaines espèces, les chercheurs estiment qu'un changement de 35% de l'habitat potentiel pourrait advenir. Les prédateurs supérieurs ont un rôle important dans le contrôle des chaines alimentaires marines et leur disparition menace la stabilité de l'écosystème marin. Les déplacements de ces espèces ont également des conséquences pour les services éco-systémiques (la pêche mais aussi les activités de loisirs et de tourisme, dont la "pêche au gros").

Les chercheurs se sont appuyés sur les données du projet Tagging of Pacific Predators, mené conjointement par la NOAA, le laboratoire marin de Stanford et le laboratoire marin de l'Université de Californie à Santa Cruz, de 2000 à 2009. Ce projet a suivi 23 espèces de prédateurs marins grâce à 4 300 balises électroniques, afin de mieux connaître ces espèces marines, en analysant leurs mouvements et comportements. Pour l'étude dévoilée le 23 septembre, E Hazen et ses collègues ont suivi 15 espèces parmi ces 23, dont la taille des animaux est jugée suffisamment importante. Les chercheurs ont également considéré les données du dernier rapport du GIEC qui prévoit une augmentation de la température de la surface de l'eau de 1 à 6 degrés Celsius d'ici 2100 . Tout comme le réchauffement terrestre , le réchauffement de la surface de l'eau est particulièrement sensible aux hautes latitudes.

En s'appuyant sur les projections des modèles climatiques et leurs conséquences sur l'évolution des habitats marins (changement de la température de l'eau et concentration en chlorophylle a) dans l'océan Pacifique Nord, les chercheurs ont montré que :
- Globalement, la biodiversité va se déplacer vers le Nord (sauf en été) d'ici la fin du siècle. En particulier, la zone de transition du Pacifique Nord, très riche en espèces migratoires, devrait se trouver 1.000 kilomètres au Nord de son emplacement actuel.
- La richesse de la biodiversité va diminuer dans l'ensemble des régions du Pacifique Nord, sauf dans l'écosystème du courant californien (zone très riche en nutriments) où elle devrait rester constante.

Comme le montrent les graphiques ci-dessous, les espèces réagissent très différemment aux stress environnementaux auxquels elles sont soumises (en fonction des menaces déjà existantes pour l'espèce, de son régime alimentaire et de sa tolérance thermique notamment). D'après l'étude, certaines espèces s'adaptent très bien aux changements, voire bénéficient d'une zone d'habitat potentiel plus grande (tels les oiseaux marins et les thons), d'autres voient leur habitat réduit (tortues et mammifères marins), d'autres encore sont gravement menacés par les changements (requins). De plus, les impacts du réchauffement climatique ne sont pas uniformes sur l'ensemble de l'Océan Pacifique Nord. Il est donc crucial d'identifier certaines espèces "à risques" et d'étudier, dans une zone donnée, les menaces prévisibles. C'est l'approche adoptée par les chercheurs de cette étude et elle doit conduire, selon l'auteur principal, E. Hazen, à "adopter des politiques de protection proactives les plus efficaces possible".

Photo nature climat changeCrédits : "Predicted habitat shifts of Pacific top predators in a changing climate" - Nature Climate Change 1686- HAZZEN Elliott et all - 09/23/2012- http://www.nature.com/nclimate/journal/vaop/ncurrent/pdf/nclimate1686.pdf

Au-delà de la température de surface et de la quantité d'aliments disponible, d'autres facteurs -non considérés par cette étude- pourraient également être pris en compte (comme une modification des vents qui impacterait les oiseaux migrateurs ou l'élévation du niveau des mers qui pourrait affecter leurs nids par exemple). S'il faut rester prudent devant la complexité du fonctionnement de l'écosystème marin et de la chaine alimentaire en particulier, cette étude met en lumière certains risques et permet d'orienter le plus efficacement possible les politiques de protection des espèces. Cela peut également permettre de jouer sur différents facteurs, comme la pêche et le transport, pour éviter la disparation totale des espèces dans les zones les plus sensibles.

Vers une nouvelle conception des aires marines protégées ?

Cette étude ouvre la voie à de nouvelles politiques de protection des espèces marines. Face aux changements à venir, il pourrait être intéressant de ne plus penser une zone protégée comme une zone stationnaire, généralement établie autour d'un parc naturel ou de récifs coralliens, mais plutôt comme un espace amovible, construit autour d'espèces particulièrement sensibles, qu'il convient de protéger, tout en autorisant la pêche ou le transport dans les autres zones. Les nouvelles technologies utilisées notamment par le Tagging of Pacific Predators project permettent d'envisager de telles politiques de protection des espèces, assurant une gestion plus précise et plus efficace.

Changements rapides des aires de plantation des arbres et plantes vivaces

Le changement climatique conduit également à des changements dans les aires de répartition des espèces terrestres, animales et végétales. Il est ainsi intéressant de mettre en parallèle cette étude avec de récentes publications montrant le déplacement des zones de plantations conseillées pour des espèces de plantes vivaces et d'arbres. En janvier dernier, le département Américain pour l'Agriculture (United States Department of Agriculture - USDA) a mis à jour la carte de la rusticité des plantes (plant hardiness map). Cette carte, qui n'avait pas été modifiée depuis 1990, vise à indiquer aux jardiniers et paysagistes les espèces de plantes vivaces et d'arbres les plus susceptibles de résister à un hiver classique pour une zone donnée. Pour cela, l'USDA divise le pays en diverses zones géographiques définies par leurs températures minimales avec une étendue de 5 à 10 degrés Fahrenheit (2,8 à 5,6 degrés Celsius) comme le montre la carte ci-dessous. Dans la plupart des régions, si l'on compare avec les résultats de 1990, les températures minimales ont augmenté et, globalement, on observe un déplacement vers le Nord des zones de plantation.


La Plant Hardiness Map de l'USDACrédits : Image Map Graphics - Copyright 2011, PRISM Climate Group, Oregon State University, http://prism.oregonstate.edu - Map created 09/26/2012

Cette nouvelle carte, publiée il y a moins de neuf mois, vient déjà d'être révisée par une étude du City College of New York, soutenue par la NOAA, publiée dans la revue Advances in Meteorology. L'auteur de l'étude, le professeur Krakauer, estime que la carte de l'USDA ne traduit pas les changements rapides observés ces dernières années. En effet, selon cette étude, la plupart des zones ont connu des températures minimales supérieures aux moyennes considérées par l'USDA (qui s'est appuyé sur les moyennes des températures minimales entre 1976 et 2005) de plus de 2 degrés Fahrenheit (soit plus de 1,1° Celsius). Grâce à une nouvelle méthode qui prend en compte à la fois les données des années précédentes et les tendances à long terme, M. Krakauer montre que plus d'un tiers des régions aurait changé d'au moins une demi-zone par rapport à la carte publiée en janvier dernier et un cinquième des zones aurait changé d'une zone entière. L'auteur explique que "globalement, nous pouvons maintenant faire pousser des variétés 100 miles [161 kilomètres] plus au Nord qu'il y a 30 ans ". Des figuiers pourraient désormais pousser au Nord de la Caroline du Nord, notamment à New York et des camellias pourraient fleurir à Detroit. Il est néanmoins intéressant de noter qu'une fois de plus les changements ne sont pas uniformes, les régions de l'intérieur-est du pays se réchauffant plus rapidement que celle dans le Sud-ouest.

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