dimanche 3 novembre 2013

Avant ou après l’amour, à quoi sert le baiser ?

Au collège, on disait qu’il fallait faire attention à bien tourner la langue dans le sens contraire de son partenaire – et c’était la chose la plus étonnante qui soit.
Et puis on a continué à embrasser. Si on nous demandait pourquoi, on répondrait parce que c’est bon, parce que c’est doux, parce qu’on en a envie, follement envie.
« LE BAISER » D’ALAIN SOUCHON
Mais on peut aussi se demander pourquoi l’homme (mais aussi le chimpanzé, et dans une moindre mesure le perroquet et l’éléphant) fait cette chose-là.


D’où-nous vient ce besoin de poser notre bouche sur celle d’une autre personne et de mélanger notre salive avec elle ?
Si on remet le « geste » en perspective, il peut presque sembler absurde. On pourrait tout aussi bien frotter nos oreilles les unes contre les autres.
De fait, ce sujet (d’une haute importance) occupe beaucoup les chercheurs. La science du baiser a même un nom : « philamatologie ».
Retour sur les différentes études, de la philo à la psycho, qui ont tenté de répondre à cette question.
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Le baiser, pour « valider » son partenaire

... et le garder
C’est l’étude la plus récente. Elle date du début du mois d’octobre et a été menée par des chercheurs en psychologie de l’université d’Oxford. Ils ont posé des questions à 900 adultes sur la fonction du baiser (le « French kiss », ou « baiser romantique », celui avec la langue) dans leurs relations.
Etonnamment, le fait qu’il serve à faire monter l’excitation pendant un rapport sexuel n’est pas la motivation principale des embrasseurs (enfin certains). En revanche, les résultats croisés ont permis de montrer que le baiser permet d’évaluer la relation dans laquelle on s’engage et l’entretenir.
Dans un article consacré au sujet dans le New York Times, on apprend que des études passées avaient déjà montré que trois types de personnes ont tendance à être plus sélectives dans le choix de partenaires « en bonne santé génétique » et compatibles :
  • les femmes ;
  • les gens qui ont une haute estime de leur pouvoir d’attraction,
  • et ceux qui sont partants pour du sexe occasionnel (« intercourse »).
Or, dans l’étude des chercheurs d’Oxford, ce sont ces mêmes personnes qui ont jugé qu’embrasser était important au tout début d’une relation, avant les premiers rapports sexuels, que ça l’était moins pendant, et encore moins juste après, et presque plus du tout « à d’autres moments ». Robin Dunbar, l’un des chercheurs qui a mené l’étude, explique :
« Le choix du partenaire et la séduction chez l’être humain sont complexes. Ça implique une série de périodes de validation où les gens se demandent “Est-ce que je devrais aller plus loin dans cette relation ?”
L’attraction initiale peut inclure le visage, le corps, des considérations sociales… Plus on va loin dans la séduction, plus cette évaluation se joue dans l’intimité des partenaires, et c’est là qu’interviennent les informations apportées par le baiser. »
Chez les autres (les hommes, les personnes qui ne se jugent pas très séduisantes et ceux qui recherchent plutôt une relation durable), les premiers baisers d’une relation ne sont pas si importants que ça.
De manière très marquée pour ceux qui espèrent une « vraie histoire », l’usage du baiser servira surtout à entretenir et améliorer la relation. Ils estiment que le baiser « avant le sexe » est aussi important que celui échangé à des moments « non sexuels ». Et pour ceux-là, les baisers « pendant le sexe » comptent moins.
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Pour s’apprivoiser

Surtout de la part des hommes
Ces informations partagées lors d’un baiser, d’autres études les ont déjà avancées. Dans le très intéressant « Le Baiser : le corps au bord des lèvres », Alain Montandon, agrégé de philosophie et professeur de littérature générale,rappelle :
« Un baiser est un acte de bouche (nombreux sont les techniciens qui ont signalé qu’un baiser profond met en jeu 29 muscles, dont 17 pour la langue, 9 mg d’eau, 0,18 mg de substances organiques, 0,7 mg de matières grasses, 0,45 mg de sel, des centaines de bactéries et des millions de germes !). »
Sur Rue89, en 2008, Guillemette Faure évoquait déjà une étude, publiée dans le Evolutionary Psychology :
« Les femmes percevraient mieux ces informations (goût, odeur, informations sur notre état de santé). L’homme pourrait inconsciemment repérer la fertilité de la femme en embrassant. Car, dit l’étude, pendant l’ovulation, la salive de la femme contient des molécules particulières, indicateur de fertilité que les hommes pourraient détecter en embrassant (beaucoup).
Mais parce que les hommes détectent toutes ces informations moins bien que les femmes, ils doivent augmenter leur capacité de détection. Ce serait la raison pour laquelle ils sont plus nombreux à dire préférer les baisers “ plus ” (bouche plus ouverte, plus de salive, plus de langue…). »
Notre façon à nous de nous apprivoiser donc. Presque comme dans le baiser des Esquimaux, nez contre nez, dont Alain Montandon dit :
« Il s’agit bien de se flairer, c’est-à-dire de pénétrer dans la zone olfactive intime de l’autre, de s’approprier son odeur, de faire partie de cette zone intime qui lui est propre. »

Capture d’écran du mythique baiser de Jack et Rose dans « Titanic » de James Cameron (1997)
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Pour s’attacher

Un dessein surtout féminin
Le baiser jouerait aussi un rôle dans les relations longues. Sur le site de l’université d’Oxford, il est dit dans l’article consacré à l’étude sortie au début du mois d’octobre :
« L’équipe des chercheurs a aussi remarqué que l’importance du baiser changeait pour les gens selon qu’ils soient dans une relation courte ou longue.
Il ressortait, en particulier, que les femmes estiment le baiser plus important dans les relations à long terme. Ce qui suggère que le baiser joue aussi un rôle important dans la médiation de l’affection et de l’attachement, chez les couples établis. »
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Pour déstresser ( ?)

Embrasser réduirait le taux de cortisol, « l’hormone du stress ». C’est ce qu’onlisait dans une autre étude menée en 2007 par Wendy Hill, chercheuse en psychologie, à la faculté Lafayette en Pennsylvanie. Elle a demandé à des couples de s’embrasser pendant quinze minutes et à d’autres de se tenir la main pendant le même temps. Expérience au bout de laquelle les couples qui s’étaient embrassés présentaient des taux de cortisol plus faibles.
On peut néanmoins émettre des réserves sur cette étude menée seulement sur quinze couples d’étudiants. Par ailleurs, comme le disait Catherine Vidal, neurobiologiste, dans une interview qu’elle nous avait donnée : les études sur les taux hormones dans le corps reposent souvent sur des protocoles d’expérimentation faibles.
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Pour retrouver des sensations de nourrisson

Une théorie psy qui traîne par-ci par-là serait de dire que le baiser serait une« réminiscences de la tétée ». Sur son site, Alexandre Arribas, auteur de« Petite histoire du baiser », écrit, pour répondre à la fameuse question « pourquoi s’embrasse-t-on ? » :
« L’origine du baiser ? Eh bien, facile, évident : il est né de l’habitude maternelle (et paternelle) de certains animaux, ovipares et mammifères, et des mères de certaines populations humaines, de nourrir leurs petits au bouche à bouche. »
Avant de nuancer de suite :
« Cette observation est certaine, mais pas son interprétation. Il faudrait expliquer par quel enchantement on est passé de la becquée au baiser amoureux. »
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Pour manger, engloutir, avaler l’autre

Dans son livre sur le baiser, Alain Montandon rappelle :
« Comme tout acte humain, le baiser, s’il paraît naturel, est largement tributaire de la culture. Sous sa forme habituelle telle que nous la connaissons en Occident, il était inconnu des peuples d’Afrique, d’Amérique, d’Océanie et d’Australie. Il n’était en outre nullement caractéristique de la Chine ou du Japon.
L’anthropologue Paul d’Enjoy a souligné le sentiment d’horreur des Chinois confrontés au baiser sur la bouche des Européens, qui éveillait en eux épouvante et répugnance devant ce qui leur semblait être un simulacre de cannibalisme. »
Une crainte loin d’être absurde car comme le souligne le philosophe, le baiser et l’acte de manger sont de près liés :
« Car rien n’est plus goûteux qu’un vrai baiser. Et images et métaphores ne manquèrent pas, dès le Cantique des cantiques, pour évoquer le lait et le miel d’une bouche désirée. Et Pierre Perret de le mettre en chanson : “ Le baiser de Zézette, le plus salé, le plus sucré, c’est le plus chouette/On dirait un chausson aux pommes.” »
En vieil égyptien, fait aussi remarquer le philosophe, « baiser » et « manger » sont le même mot. Quand nous embrassons, peut-être cherchons nous ainsi à engloutir l’autre. Alain Montandon résume :
« Pour qui aime, tout devient amour, tout devient magnétique, polarisé par l’attirance de l’aimant. [...] Alors tout est bon pour se rejoindre, pour favoriser le merveilleux contact des lèvres. »
SOURCE

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