samedi 22 juin 2013

Histoire vraie...


Il était une fois un ­peuple qui avait été épargné par les grandes tragédies de l’Histoire.
Un peuple dont la vie s’est développée le long d’un fleuve majestueux, si ouvert sur la mer et l’ailleurs que ses eaux sont salées jusqu’à la hauteur de Québec. Un peuple qui a pris racine dans un territoire de vastitude et de froidure. Un peuple d’hommes taiseux, de maîtresses femmes. Un peuple d’abord pieux, besogneux, défiant la nature, croyant en un Dieu vengeur, mais aussi au petit Jésus, à Marie, sa mère docile, et à saint Joseph, l’humble ouvrier, père adoptif d’un enfant conçu par l’opération du Saint-Esprit.


DÉFAITE
Un peuple marqué par la défaite aux mains des Anglais, qui ont instauré un colonialisme de gentlemen, tout en subtilités diverses, mépris compris. Un peuple abandonné par les élites françaises retournées sur le vieux continent et qui s’est replié sur ses forces, à savoir la famille, la religion et l’esprit défricheur. Un peuple à la fois fier et humilié, mais qui a su construire une solidarité chaleureuse, une joie de vivre rugueuse et contagieuse qui n’est pas à l’abri des mélancolies épisodiques.
Un peuple aux victoires plus morales que légales qui s’est longtemps défini en opposition aux autres, ces «étrangers» du Nous collectif.
MODERNITÉ
Un peuple qui, par soumission religieuse et un complexe de minoritaire, a tardé sa rentrée dans la modernité, ce qui explique les turbulences et l’espérance enivrante des années 60.
Un peuple transformé par la force de ses rêves, mais que les bouleversements et ruptures frénétiques qu’il s’est imposés ont fini par l’essouffler.
Ce souffle lui a manqué au cours de deux rendez-vous historiques qui l’ont laissé choqué, traumatisé et irrémédiablement divisé. Paradoxalement, c’est un peuple qui ne craint pas le changement et dont la curiosité de l’autre l’amène parfois à une forme de tolérance qui se retourne contre lui.
MAÎTRE D’ŒUVRE
C’est un peuple qui a érigé ses propres cathédrales que sont les imposants barrages, symboles de sa prospérité économique et de son formidable savoir-faire.
C’est un peuple qui s’est créé il y a 50 ans une bourgeoisie d’affaires sans laquelle aucun peuple n’arrive à s’émanciper. C’est un peuple de petits et moyens entrepreneurs qui ne craignent ni le risque ni les échecs et qui, aujourd’hui, parcourent la planète pour exporter leurs compétences.
CRÉATEURS
C’est un petit peuple en nombre, mais qui enfante une proportion surprenante de créateurs et d’artistes dont quelques-uns se sont imposés en atteignant le sommet de leur art sur la terre entière.
Des créateurs audacieux, libres, stupéfiants d’énergie et d’audace, preuve vivante a contrario de l’indigence de ceux qui nous gouvernent actuellement.
Il était une fois un peuple de nouveau trahi par des élites sans scrupule, appâtées par le pouvoir et le gain, un peuple scandalisé, outré et bafoué dans sa dignité.
Un peuple qui se souvient de la droiture et du caractère trempé de morale de ceux qui ont construit un Québec plus juste, plus équitable et plus exemplaire que l’image brouillée d’aujourd’hui.
Il était une fois un peuple honnête qui a toujours résisté à la tentation corruptrice.
Un peuple dont la patience légendaire a atteint son point critique. Ce peuple fêtera le 24 juin, mais retrouvera sa sainte colère le lendemain.

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