lundi 25 juin 2012

Transmissible d'homme à homme bientôt ?




L’histoire n’a peut-être pas encore trouvé son dénouement. Après plusieurs mois de polémiques à propos de virus H5N1 de la grippe aviaire créés en laboratoire et potentiellement transmissibles d’Homme à Homme, le second et dernier papier a été publié intégralement (et en libre accès) dans le magazine Science ce 21 juin. Il concerne l’expérience de Ron Fouchier et de ses collègues de l’Erasmus Medical Center de Rotterdam.




Un mois et demi après les travaux de Yoshihiro Kawaoka publiés dans Nature, on en sait désormais davantage sur les mutations qui ont poussé un virus jusqu’alors contagieux entre oiseaux à le devenir également entre mammifères (des furets) et donc potentiellement d’un Homme à un autre. Un sujet d’inquiétude car les chiffres de l’OMS précisent que l’infection est mortelle dans près de 60 % des cas. Une épidémie de H5N1 est redoutée car elle pourrait causer de terribles dégâts.
Cinq mutations pour une contagion
Au vu du battage médiatique autour de leur découverte, les scientifiques néerlandais se sont doutés que leur publication n’intéresserait pas que les spécialistes de leur domaine. Des précisions supplémentaires ont été ajoutées à leur première version de manière à toucher un public plus large et moins connaisseur.
Se basant sur les principales épidémies grippales du siècle dernier (grippe espagnole de 1918, grippe asiatique de 1957 et grippe de Hong-Kong en 1968), ils ont déterminé les mutations responsables de la transmission. Leur point commun : le virus passait d’un individu à l’autre par les voies aériennes, contenu dans de fines gouttelettes excrétées lorsqu’un patient tousse ou éternue. Le H5N1, pour devenir contagieux, doit être capable d’infecter son hôte depuis les voies aériennes.

Les chercheurs ont donc introduit trois mutations fondamentales dans le virus avant de l’inoculer à un furet, animal qui modélise très bien la transmission et la gravité de la grippe chez l’Homme. Une fois tombé malade, les formes virales ont été récoltées et injectées par voie aérienne chez un second individu. Le processus a été reproduit une dizaine de fois.
Que s’est-il passé ? À la fin de ces passages successifs, les animaux étaient devenus contagieux et pouvaient transmettre leur grippe à leur voisin. Ce que l’on craignait s’est produit… Sauf que malgré une légère fièvre et quelques expectorations, les animaux n’ont pas montré de signes inquiétants pour leur survie et s’en sont très bien remis. Le H5N1 est devenu contagieux, mais a perdu de sa vigueur.
Cependant, depuis son introduction dans le premier furet, le virus s’est doté de deux mutations supplémentaires. Depuis le variant initial, naturel, cinq mutations ont suffi pour le rendre transmissible entre mammifères. Avons-nous des raisons de nous inquiéter ?
Le virus H5N1, futur fléau de l’humanité ?
Cette question est examinée par des chercheurs de l’University of Cambridge dans la même édition de la revue. Leur travail a commencé par une analyse des données de surveillance disponibles sur le virus de la grippe aviaire depuis 1997, année où elle a fait son apparition à Hong-Kong, en se focalisant sur les Hommes et les oiseaux.
Leur premier constat est le suivant : deux des cinq mutations se retrouvent déjà couramment dans la nature. Certains variants n’en possèdent qu’une, mais de nombreux cas avec des virus doublement mutés ont été relevés. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’il circule des virus H5N1 qui n’ont plus que trois mutations à acquérir pour devenir transmissibles par voie aérienne chez les mammifères. Est-ce beaucoup ou peu ?
Les scientifiques ont tenté de modéliser cela par les mathématiques pour voir si la contamination d’un seul hôte ou d’une succession de patients risquait d’engendrer ce virus tant redouté. Il y aurait des raisons de le craindre…

Pas de panique : la grippe aviaire n’est pas encore là !
Les chercheurs estiment qu’en moyenne, lors de chaque réplication du H5N1, la cellule commet une erreur et engendre une mutation aléatoire. Sachant qu’il existe des millions de virus dans une cellule infectée, la probabilité que la substitution d’une base de l’ADN aux endroits clés se produise n’est pas si faible. De plus, le manque de connaissances sur ce sujet précis nous invite à la prudence et nous devons considérer que certaines mutations peuvent être différentes (une autre base substituée) mais équivalentes et entraîner les mêmes effets de contagion.
Ces risques sont malgré tout modérés par la durée de l’infection. Effectivement, plus l’organisme met de temps à se débarrasser de son parasite moléculaire gênant, plus celui-ci a le temps de muter. Inversement, une rémission rapide limite les probabilités de transmission à un congénère.
Pour éviter une hypothétique pandémie, ces scientifiques appellent à davantage de vigilance dans les régions où les virus avec les deux mutations identifiées s’installent. Pour un meilleur suivi, ils demandent à ce que les séquences génétiques sujettes au changement soient systématiquement vérifiées. Enfin, pour combler les lacunes, de nouvelles investigations doivent être menées. Ainsi, à la manière dont on cherche à minimiser les risques pour un tremblement de terre, les chercheurs se donnent les moyens de réagir le plus efficacement en cas de nécessité.
Malgré les conclusions plutôt alarmistes, il n’y a aucune raison de paniquer. D’une part parce que le H5N1 mutant n’a pas montré le bout de son ARN dans la nature, d’autre part parce que les variants créés artificiellement se sont montrés peu agressifs ; enfin parce que les autorités sanitaires prennent l’affaire très au sérieux et vont mettre les moyens nécessaires pour agir dans le bon sens si un virus mortel s’échangeait dans la population humaine.

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